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A la table d’Aliénor

Découvrez les secrets de la création de notre table du 12e siècle.
© Océane Dasilva

Une femme exceptionnelle

Aliénor d’Aquitaine est une femme de caractère et de pouvoir au destin exceptionnel. Fille du duc d’Aquitaine Guillaume X et petite fille de troubadour, Aliénor a été élevée dans un environnement privilégié, où elle a été éduquée aux arts de son époque (littérature, musique etc…). A la mort de son père en 1137, elle hérite de son duché et est marié au roi Louis VII : elle devient reine de France à l’âge de treize ans. Quinze ans plus tard, elle demande l’annulation de ce mariage, et épouse la même année Henri Plantagenêt, duc de Normandie et comte d’Anjou (1152). A ses côtés, elle devient reine d’Angleterre. La Forteresse de Chinon est au centre de leur empire continental, et le couple royal y effectue de fréquents séjours.

Henri II et Aliénor écoutent l’histoire 
de Lancelot du Lac / BnF, ms. Fr. 123 fol. 229

Un projet immersif

A l’occasion de la commémoration des 900 ans de la naissance d’Aliénor d’Aquitaine (1124 – 2024), la Forteresse royale de Chinon propose une reconstitution historique de la cuisine de la reine d’Angleterre au 12e siècle. Ce décor immersif prend place à l’endroit exact où se trouvaient les cuisines royales …. Du 15e siècle ! 

Pour mener à bien ce projet, nous avons fait appel à des professionnels de la reconstitution historique : une artiste qui crée des aliments en papier en mâché, et une potière-archéologue qui reproduit des céramiques médiévales dans son atelier. Cruchons, pichets vernissés, gourde, jattes décorées et coupelles à épices côtoient des aliments soigneusement choisis en fonction du rang royal d’Aliénor.

 

… Et respectueux des sources historiques

Il existe peu de sources historiques portant sur les habitudes alimentaires des élites au 12e siècle. Pour restituer l’ambiance de cette cuisine de luxe, nous nous sommes inspirés d’archives un peu plus tardives, celles relatives au séjour d’Eléonore de Bretagne au château de Bristol en Angleterre (il s’agit de la nièce du roi d’Angleterre Jean sans Terre, dernier fils d’Aliénor d’Aquitaine). Ces registres consignent les dépenses quotidiennes d’Eléonore et de son entourage, de 1225 à 1263. Il s'agit de l'un des registres alimentaires les plus détaillés pour cette période ; il offre un aperçu unique sur la qualité de vie d’une aristocrate.

 

Un régime alimentaire exotique, varié et qualitatif … C’est royal !

Au siècle d’Aliénor d’Aquitaine, l'alternance entre jours gras et jours maigres rythme l'alimentation au quotidien. Le pain très blanc, le vin et les viandes blanches dominent les tables des nobles Dames. Les plats légers, à base d’oiseaux sauvages ou d’animaux de la basse-cour, sont assaisonnés avec des épices exotiques. Ces mets luxueux et raffinés, que seuls les élites peuvent s’offrir, sont servis les jours « gras » ; tandis qu’œufs, fromages et poissons sont présentés à table les jours « maigres ». Les amandes sont fréquemment associées aux recettes à base de poissons les jours de jeûne, ce qui montre une bonne connaissance des propriétés diététiques des aliments. A cette époque, les jours de jeûne traditionnels sont le mercredi, le vendredi et le samedi.

Contrairement à notre époque, les plats salés et sucrés sont servis simultanément tout au long du repas, en même temps que les fromages. Brouet et blanc manger se côtoient en déclinant des saveurs très orientales. L’Hypocras, vin rouge parfumé aux épices, est la plus célèbre des issues de table : il fait office de dessert et de digestif.

Une création de Véronique Chauvet pour la table d’Aliénor à la Forteresse royale de Chinon …. A dévorer des yeux ! ©Nathaëlle Brouwers

Véronique Chauvet, le vrai du faux

Véronique Chauvet a toujours été passionnée d’art et de création depuis l’enfance. Après des études supérieures en arts appliqués à l’école Dupperé à Paris, elle a travaillé chez Kenzo en tant que styliste puis comme décoratrice pour la télévision et le cinéma. En 1992 avec la complicité d’une amie, elle crée des luminaires en papier mâché avec des journaux ramassés dans le métro, ce qui deviendra sa marque de fabrique. Par la suite elle collabore avec des architectes d’intérieur ou des grandes enseignes de luxe pour des décors de vitrine ou de nouveaux concepts d’hôtels ou de restaurants. 

En l’an 2000, elle déménage sur l’île de Ré et se forme à son autre passion, la cuisine. Puis elle s’installe en tant que chef à domicile, avant d’ouvrir avec son conjoint son propre restaurant – concept Mangez Moi en 2014. Dans ce lieu qu’elle aménage, elle présente de nouvelles créations en relation avec la cuisine. Le cercle vertueux du cuisinier où rien ne se jette, tout se transforme prend une résonance supplémentaire dans son processus de création, car les emballages des produits alimentaires reçus au sein de Mangez Moi sont transformés dans son atelier. Elle a aujourd’hui la chance de pouvoir exercer ses deux passions avec un processus créatif qui regroupe des valeurs qui lui sont chères et qui semblent incontournables de nos jours : le recyclage et la valorisation des déchets.

Véronique Chauvet a récemment réalisé des tables de prestige pour des sites historiques renommés en Touraine et en région parisienne : château d’Azay-le-Rideau, château de Blandy-les-Tours, musée Rabelais / La Devinière... Son expérience dans ce domaine nous a amenés à lui confier la fabrication des mets de prédilection de la reine Aliénor d’Aquitaine dans le cadre de la reconstitution de la cuisine d’Aliénor. Travailler sur une époque aussi ancienne, le 12e siècle, est pour elle une première tout autant qu’un défi. Avec ses créations réalistes et proches du trompe l’œil, elle nous invite à laisser place à l’imaginaire en mixant le vrai avec le faux. Le résultat est surprenant et original.

La créatrice et son univers
https://www.veroniquechauvet.com

BIBLIOGRAPHIE

 

GILET Philippe, La cuisine et la table au siècle d’Aliénor d’Aquitaine, Paris, Manifesto / Beauchesne, (abbaye de Fontevraud), 2004.

 

KIM Eileen, Constructing the Household: The Material Condition’s of Eleanor’s Captivity, in Royal and Elite Housholds in Medieval and early Modern Europe, More than just a Castle, Edited by Theresa Earenfight, Vol. VI, Chapter V, BRILL, 2018, p.115-141.