Prosper Mérimée (1803-1870)

Un dandy du 19e siècle
Prosper Mérimée
Portrait de Prosper Mérimée vers 1850, par le peintre Jacques-Simon Rochard - Crédit : Musée Carnavalet Histoire de Paris

Le 19ème siècle est une période de transition et d’instabilité au cours de laquelle la France subit des bouleversements politiques et économiques. Deux empires, trois monarchies, deux républiques et trois révolutions se succèdent ! La société moderne se met en place.

C’est dans ce contexte que Prosper Mérimée voit le jour le 28 Septembre 1803 dans une famille de la grande bourgeoisie intellectuelle. Ce mondain, tour à tour dandy, globe-trotter, romancier et fonctionnaire d’état, s’illustrera dans de nombreux domaines.

Un voyageur infatigable

A la fin du 17ème siècle et au 18ème siècle, les jeunes gens de familles aristocratiques ou de la grande bourgeoisie partent faire Leur grand tour d’Europe. A une époque où on aime voyager et découvrir les provinces pittoresques, ces voyages culturels et d’apprentissage sont financés par les familles. Les jeunes (hommes) visitent des universités, des musées, des hauts lieux historiques, artistiques et naturels. Prosper Mérimée participe à ce mouvement rendu célèbre par Stendalh dans les pages de son recueil Mémoires d’un touriste.

Prosper Mérimée parcourt l’Europe et fera de nombreux séjours en Angleterre, Italie et Espagne. C’est lors d’un de ses séjours qu’il se lie avec une famille aristocratique espagnole, la comtesse et le comte de Montijo, les parents de la future Impératrice Eugénie. Grâce à cette amitié, il trouvera naturellement sa place à la cour de Napoléon III.

Un auteur doublé d’un homme de cour

Ses voyages le mèneront jusqu’à Constantinople. Ils vont nourrir ses œuvres littéraires et c’est au cours de ces pérégrinations qu’il écrira de nombreuses nouvelles. De ces séjours en Corse, il écrira Colomba et Mateo Falcone entre 1829 et 1840. A travers ces personnages, il décrit une population fière de son identité et fidèle au code de l’honneur.

La Vénus d’Ille, nouvelle fantastique écrite en 1835 fait référence, à sa passion pour l’archéologie, tandis que Victor Hugo décrit un Moyen Age fantasmé et flamboyant dans Notre Dame de Paris.

Prosper Mérimée est élu à l’Académie Française en 1844. Il lit ses œuvres et anime les salons du couple impérial. En 1857, pour distraire la cour, il soumet l’empereur et son épouse, ainsi que des académiciens et des romanciers, à sa fameuse dictée. Tous firent beaucoup de fautes, sauf Metternich, le célèbre ambassadeur d’Autriche, qui n’en fit que trois.

L’inspecteur des Monuments Historiques

En 1834, Prosper Mérimée succède à Ludovic Vitet aux fonctions d’inspecteur général des Monuments Historiques. Son rôle est d’inventorier et de protéger le patrimoine bâti français menacé par l’usure du temps. Dès 1837, il propose la création d’une commission des Monuments Historiques composée de sept membres. A ces débuts, elle dresse des listes de monuments et sites remarquables, de la Préhistoire à la Renaissance. Les architectes attachés à la Commission assurent le suivi des chantiers et l’entretien des édifices inscrits sur les listes.

C’est dans ce cadre que Prosper Mérimée collabore avec Viollet-le-duc, le plus célèbre architecte du 19ème siècle, bien connu pour ses restaurations audacieuses et critiquées.

 La Forteresse de Chinon sauvée par Mérimée

En 1840, la Forteresse de Chinon est classée Monument Historique, mais les ruines sont dangereuses, et en 1854 la municipalité demande la démolition des bâtiments.

C’est dans ce cadre qu’une charmante comtesse, Madame de la RocheJacquelein, propriétaire du château d’Ussé sollicite l’intervention de Mérimée pour éviter la démolition de certaines parties du château. Une correspondance s’établit entre eux. En voici quelques extraits de ces lettres :
«Madame,
Je suis arrivé il y’a trois jours de Berlin et j’ai trouvé la délibération du Conseil municipal de Chinon. J’ai fait aussitôt trois pages de ma plus belle prose et l’ai portée à mon ministre. Je n’en augure pas grand bien ; j’espère pourtant arrêter la démolition immédiate, mais l’affaire doit se résoudre par un certain nombre de mille franc, nombre plus grand, je le crains, que vous paraissez le croire ; et nous sommes pauvres comme Job. Veuillez croire cependant, Madame, que je ferai tout ce qui dépendra de moi pour que vos vœux soient exaucés. Outre tous les souvenirs glorieux qui se rattachent au château de Chinon, il a pour nous autres antiquaires, des charmes tout particuliers, et ce serait nous arracher le cœur que de le démolir.» 
«Je reviens de Chinon. Les natifs m’ont paru fort désireux de conserver leur château pourvu qu’il ne leur en coûte rien. Ils disent qu’il va tomber sr eux ; et ils ont bien mérité que cet accident leur arrive, car ils en ont arraché le parement pour s’en faire des marches d’escalier. Tenez les pour plus voleurs que vandales.»

Grâce à l’intervention de Prosper Mérimée, le projet de démolition est stoppé net et une subvention est attribuée à la Forteresse de Chinon pour les restaurations qui débutent en 1857. Si Mérimée a eu la capacité d’intervenir à Chinon, c’est grâce à ses relations au plus haut sommet de l’état (Il est très lié à la famille de l’impératrice Eugénie depuis ses voyages de jeunesse).

L’hommage au pionnier français des Monuments Historiques

A l’image du 19ème siècle, conservateur mais tourné vers l’avenir (création du réseau de chemins de fer, grands travaux Hausmaniens à Paris, etc..), Prosper Mérimée est un homme de son temps.

En 1978, le ministère de la Culture lui rend Hommage en créant la Base Mérimée (cette base de données inventorie le patrimoine architectural français). La postérité conservera l’image du pionnier des Monuments Historiques au détriment de l’écrivain.

Bibliographie :
MALLION (J.), Prosper Mérimée, la comtesse de la Rochejacquelein et le château de Chinon, BAVC, VII, t.10, 1976, pp. 1051 – 1059.